Parce que je veux être la première à voir !

Xassir, tout occupé à aménager son jardin, ne l'avait pas entendue ... Pourtant, il l'attendait!!
cSn se mit à aboyer gaiement, ce qui lui arrivait rarement, et à remuer la queue... Xassir sut alors ...
Il se retourna et apreçut Axelle qui le cherchait ...
Et s'il la laissait mariner un peu ?... Pourquoi pas !... Ceci dit, cSN était déjà parti!!...
Il s'essuya les mains et appela son amie.
Axelle, ma belle, j'suis là ... Viens me rejoindre au jardin, on pourra fu... euh ... cueillir quelques simples!...

Elle n’avait pas encore vu Xassir que déjà cSn ramenait sa truffe, semblant tout content, Sur la défensive en instant, se sachant encore bien trop faible et qu’un simple coup de patte ne manquerait pas de la renverser, le regard tendre du chien l’amadoua, chose étrange chez la Bestiole qui tenait en horreur tout ce qui était de poils ou de plume, sauf sa mule, même si la carne avait un caractère de cochon. Le chien néanmoins, comme sentant sa fébrilité, resta joyeux mais calme autour d’elle. L’instinct de la bête finit de la conquérir et sa main se posa entre les oreilles canines pour caresser le crane avec un sourire franc, y découvrant un plaisir tout nouveau. Cette bête qui s’était montrée agressive à vouloir lui mordre les mollets, n’avait eu besoin que d’un peu d’amour pour devenir la plus tendre des choses. Comme les êtres humains pensa-t-elle furtivement.

Puis remontant un visage dont le sourire égaillait la triste mine, elle regarda Xassir un moment, essuyant ses mains au dessus de ses plants qui pointaient un vert tendre.

J’arrive ! dit ‘elle en rejoignant l’homme. On pourra fu quoi ? Lança-t-elle amusée. Dis moi, montre moi tout ça ! Sacrée bonne idée qu’as eu là. C’pour cuisiner ?

Xassir nota qu'Axelle avait encore changé... quelque chose d'indéfinissable, une certain pâleur, une certaine maigreur, peut-être une certaine lassitude, dans la démarche, dans la voix, dans les joues creusées ...
Il faillit lui en faire la remarque, mais se dit que cela ne le regardait sans doute pas, et profita qu'elle sourie à nouveau en le félicitant de son idée de potager pour démarrer aussi sec, jouant sur ce coup à fond son nouveau rôle d'érudit, amoureux des mots ...


Fu, quoi ? Je ne sais pas moi, fillette ... Ce pourrait être, selon notre humeur ...
FUir ...
FUguer ...
FUnambuler ...
FUrtiver ...
FUreter ...
FUsionner ...
FUrfurer ...
FUtiler ...
FUstiger ...
FUsiller, du regard ou pas ...
FUlminer ...
FUseler ...
FUtailler ...
FUgitiver ...
FUgacer ...
FUlgurer ...
Ou FUmer, tout simplement … Qu’en penses-tu ?
Il essaya de lire dans le regard d’Axelle …
Et, oui, certaines sont pour cuisiner, tu connais mon goût pour cela, en tous cas quand une âme charitable veut bien voler pour moi !!… mais aussi pour parfumer ma besace. Elle en a souvent besoin, vu que je suis sur les routes quasi en permanence.
D’autres me permettront de décorer quelque peu le rustre foyer que j’essaie de m’aménager ici…

Je vais essayer d'en vendre quelques-unes aussi. Certaines peuvent vraiment soulager autre chose que la bourse de celui qui les achètent ...

D’autres enfin, comme celle-ci, tu vois, il désigna d’un mouvement du menton la sauge des devins


m’aident, selon les cas, à « prédire l’avenir », ou à m’endormir plus vite, ou à voyager dans des dimensions dans lesquelles j’aime souvent me rendre …
Son regard se perdit au loin. Mais rapidement, il se reprit.
Au fait, je ne t’ai pas encore remerciée pour m’avoir fait découvrir cet endroit
Je me sens déjà un peu chez moi ici, et pourtant, crois-moi, il y a longtemps que je n’ai pas eu un chez moi, si tant est que je n’en ai jamais eu…
Je voudrais te remercier pour cela, mais j’avoue que je ne sais comment, je te connais assez peu finalement …

La Bestiole écoutait Xassir, grand sourire aux lèvres devant sa démonstration verbale qui l’amusa bien plus qu’elle ne l’aurait pensé.

Fichtre y a bien des verbes qui ma plaisent dans ta liste, et qu’j’ferrai bien volontiers, mais fumer, cloper, avaler, inspirer, crapoter, griller c’m’manque ! Lança-t’elle se souvenant des soins tout particuliers qu’elle aussi, à la Combe, apportait aux plants de chanvre paumés au fond du jardin. Et j’suis prête à vider ma bourse s’t’peux faire taire, et mon corps, et ma tête.

Suivant le mouvement de son doigt elle étudia la petite plante à la feuille d’un vert légèrement argenté et à la fleur d’un mauve clair, l’œil curieux. Et d’une voix détachée : C’quoi ces dimensions ?

Puis elle releva la tête et le regarda sans ciller. T’as pas à m’remercier d’rien. T’es bien ici, c’m’suffit. Au moins, c’m’assure ta présence, j’ai b’soin d’rien d’autre qu’avoir certaines personnes à mes cotés. Vraiment b’soin d’rien d’autre. Et elle ne pouvait, à cet instant, être plus sincère.

Vrai, on s’connaît pas tant qu’ça, mais c’est vraiment grave ? J’suis certaine qu’t’m’devines, sans qu’j’ai rien à dire, pis moi aussi, j’vois qu’ques p’tits trucs, et c’qu’j’vois, c’m’plait. C’tout.

Sans trop se poser de questions, agréablement surprise de cette main qui l’aidait sans se montrer indiscrète, elle l’étreignit et grimpa les quelques marches, lui laissant déjà le souffle court. Arrivée dans la roulote, elle ouvrit de grands yeux en regardant la décoration de Xassir, plus étonnée qu’il s’en soit préoccupé que du clinquant de l’ensemble, qui, en bonne gitane, lui plu. C’était criard, voyant, certains aurait dit de mauvais gout, mais la Bestiole aimait. Allez comprendre…

Ben, lança t-elle amusée, j’vois qu’t’as l’même sens d’l’ordre qu’moi ! J’aurai jamais eu l’idée d’c’rideau, mais l’est fichtrement beau, où qu’t’as trouvé ça ? C’rouge comme j’aime ! Son regard divaguait sur tous ses objets hétéroclites, intrigants, transportant dans leur sillage une atmosphère toute particulière où elle se sentait bien.

Bien sûr qu’jeux t’peindre un truc, mais m’faudrait plus d’indications. Qu’est-ce qui t’plairait ? Elle suivit du regard son geste quand il posa le bouquet su la table. Vi j’veux bien un truc chaud, j’arrive pas à m’réchauffer d’puis plusieurs semaines, foutu hiver, mentit-elle. D’jà, celles-ci, qu’est qu’elles font ? demanda t’elle en pointant du menton le petit bouquet.

Une question ? Il y a peu, si la Bestiole n’avait pas refusé de les poser, elle en aurait eu tout un tas. Mais, cela, c’était avant de voir l’Ours à Dijon, qui la prenant par surprise, était venu dès qu’il l’avait su blessée. D’un geste involontaire, presque instinctif, elle tourna l’alliance à son doigt. Et ses réponses, elle les avait à présent toutes. Miraculeusement, ou pas finalement, les époux aient finalement réussi à parler sans se sauter à la gorge, se disant les choses simplement, sans mots inutilement cruels ou durs, mais avec une netteté qui ne laissaient plus transparaitre le moindre doute. Même séparés, ils resteraient mariés jusqu’à leur dernier souffle, vivant le pire comme ils avaient vécu le meilleur, l’un amoureux d’un souvenir, l’autre incapable de vivre sans lui et tout aussi incapable de vivre avec lui. La haine, la colère s’étaient effacées pour se muer en une acceptation des choses, trop évidentes pour chercher encore à les nier ou même à les contourner, aussi douloureux que cela puisse-être. Mais les mots ayant été posés, c’est tout aussi triste que soulagée qu’elle était, bien incapable, comme l’Ours de dire comment elle allait. Elle fronça légèrement les sourcils. Dis Xassir, les plantes, t’les connais assez pour faire un truc qu’quand tu bois, tu t’endors, mis t’réveilles pus ? Puis comme si la question était trop lourde, elle sourit l’air de rien. C’juste d’la curiosité hein ! Une question ? Hum, j’crois qu’j’prefére qu’t’m’en poses une toi. Va sans dire qu’ta toile sera cadeau. Un peu désordonnées les propos de la gitane ? Oui, toujours quand elle avait envie de parler sans savoir comment.

Elle avait sourit à l’histoire du rideau, du curé et de l’église. Cela aurait pu être une fable. Quand les curetons se mettaient à être généreux à l’insu de leur plein gré, ça annonçait des bousins d’or plein les champs de betteraves. Quand il avait expliqué son envie de peinture, elle avait acquiescé d’un signe de tête prometteur. Et quand il s’était fâché, elle n’avait su que le regarder, les yeux grands ouverts et la mâchoire ballante, incapable durant un moment d’émettre le moindre son quand il la dardait d’un regard dur qu’elle ne lui connaissait pas et de mots, qu’inconsciemment elle avait besoin d’entendre. Puis enfin, tordant ses doigts comme une gamine prise en faute, elle balbutia.

Mais… je… non… c’est… non… oui… j’suis juste curieu…

Mais les mots s’étranglèrent dans sa gorge, incapable aussi qu’elle était de lui mentir. Et les larmes, libérées du la gangue de colère qui les contenait depuis des mois et des mois roulèrent à ses joues d’un flot tranquille et libérateur, sans sanglots. Juste une rivière dont la digue des paupières cédaient et ne pouvaient plus retenir un flux intarissable d’avoir été trop longuement comprimé. Et comme si Xassir savait de quoi elle pouvait bien parler, elle se dévoila enfin, d’une voix faiblarde.

J’l’ai vu, l’est venu quand il a su qu’j’étais dans l’coltard, là bas à Dijon. Quand j’allais mieux, on a réussi à s’parler, enfin. Ca faisait d’puis si longtemps qu’j’l’avais pas vu, qu’j’redécouvrais son visage, sa voix, son regard, ses pattes. Pis j’me rendais compte qu’y avait pu cette colère en moi qui m'protégeait, mais qu’des regrets, qu’de la tristesse. Pis surtout la certitude implacable qu’tout était fini, pis qu’rien pourrait changer ça, pas même si on l’avait voulu. Cause qu’c’est pas possible. Pis on s’est fait un drôle d’pacte tacite. On s’est marié pour l’meilleur pis pour l’pire, alors l’pire, on va l’assumer pis en baver, jusqu’au bout. Lui, cause qu’il veut garder l’souvenir d’celle qu’j’ai été, moi cause qu’j’peux pas faire autrement. Elle marqua un courte pose avant de poursuivre, les yeux fixés en plein dans le regard de cet homme qu’elle connaissait sans connaître, mais en qui, sans savoir pourquoi, elle avait confiance, le premier, le seul certainement à qui elle se confierait, sans plus vouloir s’échapper, sans plus vouloir se cacher. ‘Lors oui, avant, mon rêve, c’tait d’finir ma vie vieux crouton, avec lui, mais vieux crouton sans lui, j’veux pas. J’veux pas crever d’main, mais j’veux pas vivre comme ça trop longtemps, j’veux l’jour ou vraiment j’pourrai pu, décider d’partir, sans faire d’vagues. Tranquille, toute seule, sans violence. C’qu’j’veux, c’est ça, avoir l’choix d’partir quand j’veux. Cause qu’j’veux pas oublier, mais qu’jamais j’pourrai y penser avec autre chose qu’un poignard dans l’cœur. Y aura pas de tendre nostalgie, c’pas pour moi ces trucs là. Elle renifla, essuyant d’un geste rageur sa joue. Se livrer ainsi, elle n’aimait pas, même si cela faisait un bien fou, trop orgueilleuse, trop fière qu’elle était. Ca rassure d’savoir qu’on peut tout arrêter. Ca donne d’la force d’tout maitriser. Même ça. T’dois m’trouver lâche, t’as surement raison, pourtant s’tu savais comme j’bataille, par tout les moyens. Elle reprit un peu constance. J’me paume, j’m’bats, j’vibre comme jamais, j’veux l’absolu dans tout, marcher sur le fil, tout le temps. V’là c’qu’j’veux. J’y arrive pas trop mal, mais ce choix, cette liberté ultime, j’la veux aussi. Et j’préférai qu’cette liberté soit douce. Pour ça, qu’t’ai demandé c’qu’y c’demande pas. Elle pencha doucement la tête. S’xuse moi…

Quoi de plus beau ?
Quoi de plus beau que l'instant précis où des larmes envahissent les yeux d'une femme? Cet instant où elle ne peut retenir ses émotions, où cette larme dépose d'abord une fine pellicule sur la frontière bombée de l'oeil, puis emplit la fine lisière en bas, où la pupière inférieure se change en digue éphémère, inutile, voire ridicule.
Ce moment où cette digue, dernier rempart des émotions avant le flux inévitable, où cette digue ne rompt pas encore, et tend tous ses efforts, les cils comme des milliers de petits bras musclés essayant de retenir un tsunami, mettant un point d'honneur à gagner quelques millièmes de seconde, sachant leur combat pedu d'avance, mais permettant ainsi, durant ces quelques moments fugitifs, à un oeil perspicace et observateur comme l'était celui de Xassir d'approcher la beauté du monde.

Il l'avait vu cet instant, cet instant où l'oeil avait débordé, où l'âme s'était répandue, où le sac avait été ouvert, où la boîte avait perdu son couvercle... et le flot était arrivé, inarrêtable, insubmersible, continu... flot de paroles, de sentiments, de détresse, de tendresse, d'émotions, de larmes et de sourires, de peines, de joies et de douleurs ...

Combien il lui était reconnaissant de lui avoir offert ce moment-là...

Quand le flot de paroles, qu'il n'avait écouté qu'à moitié, perdu dans des souvenirs enfouis, dans lesquels il aimait se replonger pafois, la blonde à l'oeil unique, la lettre, le sang, la neige, les loups, ... quand le flot de paroles se fut éteint, ses yeux à lui étaient loin perdus. Sa main, machinalement attrapa sa bouteille, seule bitte qu'il savait efficace pour le rattacher au port qu'il ne voulait pas quitter. Il but directement, sauvagement, goulument, jusqu'à la dernière goutte et au-delà, à s'en brûler l'estomac, et la tête, ... comme si sa vie en dépendait.

Sa vie en dépendait.



Te trouver lâche ? Qui suis-je pour poser un tel jugement sur toi? Je te trouve belle et intelligente. Et forte, très forte ...
Assez forte pour avoir compris qu'on a toujours le choix, et que se battre pour ce choix est la meilleure des causes ...

Puis le regard se refixa sur Axelle, avec une douceur infinie. Il se prit à accomplir un geste qu'il croyait oublié. Il ramena derrière l'oreille l'une des mèches brunes qui entouraient le petit visage face à lui, posa sa main sur sa joue et déposa un baiser sur son front ...
Ne t'excuse pas, nena ... Il n'y a pas de question interdite, tabou, ridicule ou indiscrète. Seules les réponses le sont ...
Rien de ce que tu pourras me dire ne me fera t'aimer moins ...

[hrp Nothing you confess
Could make me love you less

http://www.lyricsfreak.com/p/pretenders/ill+stand+by+you_20110661.html /hrp]


Il la regarda un moment, d'un regard tendre et amusé ... J'ai un cadeau pour toi ... dit-il enfin et soudainement d'un ton qu'il voulait enjoué, comme pour mettre fin à un moment qui, de toutes façons, était déjà éternel ...

Elle avait tout déballé, sans vraiment de gène, y trouvait un réconfort curieusement surprenant, et quand le flou enfin abandonna ses prunelles, elle fut encore plus surprise de voir l’air pensif de Xassir et ce geste brusque dans lequel il vidait la bouteille. Pourquoi ? Que cachait-il comme blessures sous cette apparente bonhommie ? La curiosité la tirailla un moment, de savoir, elle aussi. Mais tout comme il l’avait laissé venir à lui, elle le laisserait venir à elle, si un jour, l’envie lui prenait de s’épancher. Elle espérait simplement qu’il le sache.

Le geste, la caresse, le baiser à son front recelaient de douceur infinie et insoupçonnée, et sous les mots, elle baissa les paupières, reconnaissante de ne subir ni autres questions, ni leçon de morale plate, pleine de lieux communs que tant étaient prompts à déblatérer. Tant, mais pas le Voyageur qui, elle en était persuadée, comprenait et cela lui suffit pour faire naitre un sourire discret à ses lèvres.

« Rien de ce que tu pourras me dire ne me fera t'aimer moins ... »

Elle releva ses billes noires vers lui, étonnée non pas vraiment des mots, mais qu’il les énonce à voix haute. S’entendre dire être aimée, de quelques façons que ce soit, avaient été des paroles assez rares dans sa vie pour qu’elle s’en gorge, avide d’en avoir été tant privée. Oh bien sûr Fel lui avait dit, encore et encore, avant de plonger dans le mutisme. Ariès aussi. Ariès, ce gitan rencontré au detour de ses errances, dont l’histoire ressemblait si étrangement à la sienne. Avec lui, elle aurait pu tout recommencer, mais si elle avait partagé baisers et caresses, ces mots là, elle avait refusé de les entendre, tant car il lui était impossible de les écouter que par son refus de blesser en ne pouvant, en ne voulant, y répondre. Le résultat était au final très mitigé, et le gitan semblait malgré tout en avoir furieusement souffert.

Mais ces mots, de la bouche de Xassir, elle les entendait, elle les écoutait. Ils avaient la rondeur pleine de ceux que jamais son père n’avait pris la peine de dire, ni même d’y penser, et encore moins de ressentir. Un moment, dévisageant le Voyageur, elle se demanda qu’elle aurait été sa vie d’avoir un père comme lui, se prenant à imaginer cet anniversaire, ses neuf ans.

Sa main se posa un moment sur celle de Xassir à sa joue. Ses mots n’en attendaient pas en retour, du moins c’est ce qu’elle pensait, mais de ce qu’elle devinait de l’homme, les sentiments n’étaient pas offerts par avidité d’en avoir en retour, même si la Bestiole y répondait à sa façon, dans la confiance de plus en plus profonde qu’elle plaçait entre ses mains, et pour qui la connaissait un peu, savait la valeur qu’elle y mettait.

Le moment avait été beau et Axelle ne voulait pas en ternir la pureté d’un trop plein de déversements aussi se contenta t’elle de souffler un m’ci, empli de sincérité jusqu'à la gueule, puis reprenant des airs plus légers, ses yeux pétillèrent de curiosité.

Un cadeau ? T’m’fais mourir d’curiosité ! Dis-moi !

L’impatiente volubile et gamine reprenait ses droits, pleine d’une force toute neuve.

Le petit m'ci, juste soufflé entre les lèvres, à peine perceptible, juste pour lui, dans leqeul il sentait qu'elle avait mis tous ses efforts, toute son impudeur... Quel moment délicieux.... Il retira sa main, songeur ...

Puis tout bascula ...

Eh oui, nena, j'ai un cadeau pour toi, et comme je veux pas que tu meures, je vais te le donner de suite...

En réalité, crois moi, je fais rarement des cadeaux, donc j'espère que celui-là te fera plaisir, mais aussi que j'en "profiterai"!...


Il passa rapidement deriière son rideau rouge, fouilla un peu P... j'l'ai mis où ce f... truc!!... le trouva, souffla dessus pour enlever la poussière, mais doucement, il ne voulait pas qu'elle entende les grelots avant qu'il revienne ...

Ferme les yeux, j'arrive ... lui cria-t-il à travers le rideau ...

Puis il revint dans la pièce et lui tendit son présent, comme un gosse le jour de la fête des mères ...



Je suis sur que t'es bonne danseuse nena!!... lui dit-il avec un clin d'oeil...

Qu’il semblait songeur le voyageur, presque lointain dans ce moment un peu irréel qui semblait s’effilocher au gré de leurs paroles. Si la Bestiole avait été un tant soit peu consciente de la façon dont elle réagissait, elle lui aurait certainement expliqué que cette saute de curiosité n’avait pour but que de rompre un moment dont la beauté résidait dans l’éphémère, et qu’elle voulait le garder intact en sa mémoire, sans y apposer la moindre trace de salissure de mots inutiles.

Ainsi était-elle, devant l’amoureux des mots, elle qui en était plutôt peureuse, sachant combien ils pouvaient mentir et se retourner contre vous.

Amusée en l’entendant grogner et rouspéter derrière le rideau, elle ne put s’empêcher de rire et lança, gentiment moqueuse. N’t’gènes pas pour moi pour lancer des insanités, j’suis p’tet pas bien vieille, mais pas née d’la dernière pluie non plus, pis j’y certaine qu’s’y on faisait un concourt j’gagnerai. Ouais ! J’connais pas des masses d’mots, mais ceux là, j’connais fichtrement bien ! Puis…

Les yeux fermés, elle tentait en vain de percevoir des bruits dévoilant le moindre indice sur la nature du cadeau que comme une gamine elle était impatiente de découvrir. Pas qu’elle soit avide, non, bien au contraire, mais elle aimait être surprise, et au delà de cela, égocentrique certainement, sûrement même et cela n’était plus à prouver, elle adorait, au détour d’un présent, percevoir la vision que les autres pouvaient avoir d’elle. Et oui, les cadeaux étaient offerts en fonction de se qu’inspirait l’autre. A moins de n’y avoir rien compris. Et quand l’œil droit s’ouvrit, c’est d’abord la mine réjouie de Xassir qu’elle découvrit, gamin irrésistible. Puis la prunelle gauche suivit le mouvement, et les deux yeux– oui, la bestiole est peut-être souple, mais pas des mirettes – se posèrent sur le tambourin fièrement tendu et un sourire éclatant fendit sa trogne d’une oreille à l’autre.

Fichtre oui, qu’j’sais danser ! Et d’puis si longtemps j’ai qu’mon bracelet, mes talons et l’claquement d’mes doigts pour m’accompagner, si tant est qu’j’ai souvent l’impression d’avoir l’air d’une cruche à m’agiter sans mélodie !

Elle remonta son museau vers lui, glissant une main légère et timide sur la peau tendue. L’est magnifique ! Elle lui aurait bien sauté au cou et bavouillé sur les joues si elle avait su ces débordements affectifs, mais se contenta, pliant comme à son habitude à la pudeur étrange qui était la sienne, de plonger un regard sincère dans le sien et de promettre : Promis, j’danserai! D’ailleurs une idée pointait doucement le bout de son nez dans la pagaille de sa cervelle. M’ci ! Fichtre, j’pas intérêt d’me louper pour ton tableau, cause qu’toi, t’t’es pas gouré ! Puis amusée et taquine ajouta, moi qu’y m’croyais d’jà trop bruyante !

Xassir était heureux. Il avait réussi son coup ...
Le cadeau avait fait plaisir à celle à qui il l'avait offert, et c'était bien là le but de tout cadeau ... faire plaisir, illuminer le regard, fendre le visage d'un sourire spontané et sans équivoque ni calcul ...
Et en plus, elle avait promis qu'elle danserait ... Que demander d'autre??
Il la regardait, toujours changeante, toujours fidèle à elle-même, jamais pareille, mais si constante, toujours surprenante et pourtant prévisible.

Il avait l'impression de lire un livre ...
un livre tellement passionnant qu'on a envie de savoir la fin, même si on la connait déjà,
tellement prenant qu'on se force à le fermer à la fin de chaque page pour profiter des dernières phrases, de tous les mots, de chaque lettre,
un livre tellement envoûtant qu'on sait que la fin sera une surprise qu'on connait à l'avance, qu'on a hâte d'y être, mais qu'on sera déçu de ne pas en avoir encore plus...
un livre qu'on aime pour le contenu, les chapitres, l'histoire, mais aussi pour l'objet, la douceur de la couverture, l'odeur des pages, la finesse de la calligraphie...

Trop bruyante, nena ? Mais, tu sais, le silence est un cancer qui nous bouffe tous, Mes mots peuvent t'apprendre, comme les bras peuvent te prendre. Sauf que j'ai parfois l'impression qu'ils tombent comme des goutes de pluies silencieuses et inutiles ...

=blue] Silence like a cancer grows
Hear my words that I might teach you
Take my arms that I might reach you"
But my words like silent raindrops fell
http://www.paroles-musique.com/paroles-Simon_And_Garfunkel-The_Sounds_Of_Silence-lyrics,p24288 /hrp]

J'aime les mots, nena, aussi parce que je n'aime pas le silence... Et ce tambourin t'aidera à le briser, avec tes doigts entre eux, tes mains l'une contre l'autre, le bruissement de tes cheveux, tes pieds nus sur le sol, le claquement de ta robe sur tes cuisses et de ta langue contre ton palais ...

Ecoutant le voyageur, la Bestiole se prenait à faire tinter les grelots du tambourin tout en observant leurs nervures du cuir si fin qu’il en était translucide. L’étrange sentiment de bien être et de réconfort auprès de lui s’accroissant au fil des minutes. Ne lui aurait-elle pas parlé qu’elle avait l’impression qu’il la lisait sans l’ombre d’une hésitation, fouillant en elle pour en extraire l’essentiel, ce qu’à presque tous, elle s’efforçait de camoufler.

J’aime bien le silence moi, des fois, c’est apaisant.

Elle remonta son regard vers lui, l’ancrant à ses prunelles, la mine douce et sérieuse. Mais j’vois c’qu’tu veux dire. Xassir, depuis combien d’temps vis tu dans l’silence ? D’puis combien temps ta voix n’a-t-elle pas porté les mots d’ton histoire ? D’puis combien d’temps n’lis tu plus l’livre de ta vie à voix haute ?

Elle lui tendit la main. Viens, viens avec moi, à l’atelier. J’ai un tableau à t’faire, pis s’tu veux pas lire à voix haute, c’pas grave, y aura l’chuintement d’mes pinceaux. Viens.

Elle tortilla doucement sa bouche. Pis s’t’as d’quoi fumer, la brume s’ra plus facile à peindre ajouta t’elle dans un petit rire duplice.

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